Image montrant une pompe plus utilisée - fin du pétrole article

Fin du pétrole, sommes-nous prêts ?

Depuis les années 1970, la fin du pétrole est régulièrement annoncée. Elle devrait être précédée par un pic dans la production (appelé le « peak oil ») et suivie d’une explosion du prix du baril.

A quoi sert le pétrole ? A produire de la chaleur dans les moteurs à explosions essentiellement. C’est la mobilité qui conduit désormais à utiliser plus de la moitié (60% environ) du pétrole extrait du sous-sol, que cela soit en France ou dans le monde.

Image montrant l'évolution de la production de pétrole depuis 1960_Article sur le Pétrole JEPS

1. Évolution de la consommation des sources d’énergie

Et à part les transports ?

Même si les transports prédominent, le pétrole sert – ou a servi – à alimenter bien d’autres choses : des chaudières industrielles même s’il est désormais supplanté pour cet usage par le charbon ou le gaz ; des chaudières de centrales électriques (usage pour lequel il est désormais minoritaire, supplanté par le charbon) ; des chaudières de logements, des moteurs d’engins de chantier… Il sert aussi – et surtout, devrait-on dire – à produire les innombrables dérivés de la pétrochimie qui sont devenus omniprésents dans la vie quotidienne des habitants des pays industrialisés.

Dans le domaine « autres », nous allons trouver essentiellement le chauffage des bâtiments, logements ou locaux tertiaires, mais aussi le fioul des engins agricoles, le carburant des engins de chantier ou militaires s’ils ne sont pas comptabilisés avec les transports (aux USA les moyens militaires consomment 10% de ce que consomment les transports civils).

Enfin le domaine « non énergétique » concerne l’utilisation du pétrole comme matière première par la pétrochimie. Cette dernière est impliquée dans la totalité de ce que nous consommons désormais, puisqu’elle produit :

    1. Des plastiques que l’on retrouve absolument partout, de l’électro-ménager aux saladiers, des fenêtres aux chaussures, des voitures aux meubles et aux stylos, des emballages alimentaires aux textiles synthétiques ; et même dans la lingerie
    2. Des huiles, utilisées par toutes les machines industrielles, les véhicules terrestres, les avions, les bateaux,
    3. Et encore des cires, solvants, détergents, engrais azotés, bitume (sans pétrole, plus de voitures certes, mais aussi plus de routes…), et encore d’innombrables produits dont nous n’avons pas idée tant que nous n’y avons pas un peu réfléchi.

Quelques chiffres

Ah pétrole, précieux pétrole, toi qui me plais tant, ne me quitte pas !

Image montrant l'évolution de l'usage du pétrole dans l'industrie

Et demain ?

Car c’est bien là le risque majeur, en particulier pour nous autres européens. Nous sommes arrivés, ou serons bientôt, au pic de production mondial des carburants liquides. Pour l’Europe il est vraisemblable que nous ayons déjà passé le pic de la « disponibilité sur le sol européen », qui agrège production domestique (qui a passé son pic en 2000) et importations possibles (qui sont passées par un maximum quand la production mondiale de liquides s’est stabilisée, en 2005). A partir de maintenant un nombre croissant d’automobilistes ou d’aspirants-automobilistes va devoir faire avec un pétrole disponible en quantités décroissantes (et donc, si nous restons dans une économie de marché, des variations de prix un peu erratiques)

L’utilisation de ce précieux liquide engendre des émissions de CO2 qui perturbent le système climatique, avec des effets différés qui s’appliqueront à plein quand le pétrole sera bien moins disponible qu’aujourd’hui. Il va donc falloir penser un monde où la mobilité, après deux siècles où elle a coûté de moins en moins cher, devrait suivre une forme de chemin inverse, aucun des substituts généralement avancés pour « remplacer le pétrole » (agrocarburants, liquéfaction du charbon ou du gaz, voiture électrique, etc) n’étant à même de prendre le relais en prix et en volume. Nous allons donc vivre une époque intéressante…

Les biocarburants, souvent cités comme l’alternative miracle, ne sont pas en réalité pas viables. Par exemple, un plein de biocarburant automobile nécessite la consommation de 200 kg de maïs, soit ce qu’il faut pour nourrir une personne pendant 1 an. Or les surfaces agricoles sont réservées à la production alimentaire, déjà insuffisante pour couvrir l’ensemble des besoins de l’humanité aujourd’hui. Il ressort que satisfaire seulement 10% de la consommation actuelle des transports (5 MTep) avec les biocarburants nécessiterait la mobilisation de 30 à 40% des terres agricoles actuelles !

Dans le domaine industriel, le pétrole sert avant tout à alimenter des chaudières, qui elles-mêmes servent :

  • soit produire de l’électricité,
  • soit à chauffer des matériaux en direct
Graphique montrant l'évolution de la découvert du pétrole - Article sur le pétrole JEPS
Camembert de répartition de l'utilisation du pétrole - Junior ESTACA Paris-Saclay

Dans le dernier World Energy Outlook de 2018, l’Agence Internationale de l’Energie (IEA) ne prévoit pas vraiment de baisse de la demande de pétrole dans les années à venir (sauf scénario très volontariste). Elle s’inquiète plutôt d’une production qui n’arriverait pas à couvrir les besoins à partir de 2025, même si selon elle, « Il y a suffisamment de pétrole dans le sol pour couvrir les besoins ». Le problème vient en réalité de la difficulté croissante à accéder aux ressources (les réserves de pétrole facilement accessibles seront bientôt épuisées) et du prix d’exploitation qui ne cesse de croître, rendant l’industrie pétrolière de moins en moins rentable.

A l’heure actuelle, un monde sans pétrole est encore totalement inenvisageable car les industries spatiale (nécessaire au fonctionnement d’internet et de la quasi-totalité de nos systèmes d’informations), aéronautique et maritime sont dépendantes entièrement du pétrole.

Le transport aérien est particulièrement demandeur d’alternatives aux carburants issus du pétrole, pouvant lui garantir une moindre dépendance au pétrole, tout en réduisant son impact sur l’environnement.

Les carburants aéronautiques répondent à des spécifications précises, liées aux fortes variations de leurs conditions d’emploi et aux contraintes de performance des avions (notamment liée à la vitesse et l’accélération spécifique de ces appareils qui rend les moteurs aéronautiques inadaptés à l’utilisation de nombreux carburants alternatifs). Aussi les carburants alternatifs doivent-ils prouver qu’ils sont parfaitement miscibles avec les carburants actuels et interchangeables en partie ou en totalité avec le kérosène conventionnel.

Cependant, le transport routier reste de loin le principal consommateur de pétrole et émetteur de polluants dans le monde.

2. Part des émissions de polluants liées à l’utilisation du pétrole pour le transport

L’importance de la recherche et de l’innovation dans les transports

Il est donc indispensable de pousser la recherche pour alimenter l’innovation dans les systèmes de propulsion des transports.

C’est par exemple ce que le pôle recherche de l’ESTACA, école d’ingénieur spécialisée dans les transports, composés de professeurs chercheurs et d’étudiants, notamment grâce à l’ESTACA’Lab ou le FAB’Lab (laboratoires de recherche), s’évertue à faire ; ou encore les associations étudiantes tournées vers l’économie de carburant telle que la PV3e qui conçoit et construit un véhicule et un moteur énergétique afin de participer au Shell Eco Marathon, dont le but est de parcourir le plus de distance possible avec 1L d’essence. Le record actuel de l’association est de 2 701 Km/L d’essence, soit l’équivalent d’un Paris-Madrid.

Dans le cadre de thèse de recherche, on peut notamment citer Laïd DEGAA, sur le Développement de méthodes avancées pour la gestion d’une batterie hybride embarquée dans un véhicule électrique, et Adriano CESCHIA, sur la Méthodologie de conception optimal d’une chaine de conversion embarquée hybride, en collaboration avec GeePS (Centrale Supélec).

3. Quelles sont les alternatives au pétrole actuelles ou à venir pour la mobilité ?

Le véhicule électrique, la solution de demain

Le moteur peut être alimenté de deux façons différentes :

  • par une batterie. C’est un ensemble d’accumulateurs électriques reliés entre eux de façon à créer un générateur de courant continu de la capacité et de la tension désirée. Par exemple, une pile est un accumulateur électrique.
  • par un moteur thermique générateur. C’est un moteur fonctionnant comme un groupe électrogène. Il entraîne un alternateur qui crée de l’énergie électrique. Cette énergie est ensuite retransformée par un moteur électrique en énergie mécanique.

Sur les voitures électriques d’aujourd’hui, l’alimentation utilisée est la batterie. Elle se recharge soit de façon externe avec un câble, soit grâce à la décélération du véhicule, le moteur fonctionnant alors en générateur.

Le problème qui se pose aujourd’hui est l’autonomie des batteries du véhicule électrique qui est de l’ordre de 100 à 300 km, ce qui est très faible. Les constructeurs automobiles cherchent donc à innover de nouvelles technologies permettant de générer de l’électricité en interne. Trois techniques sont en émergence :

  • un moteur thermique classique assurant selon la situation une partie de la traction, autrement appelé moteur hybride.
  • un groupe électrogène ou une pile à combustible générant de l’électricité.
  • des panneaux solaires intégrés à la carrosserie.

Plusieurs marques automobiles fabriquant des voitures électriques se distinguent aujourd’hui par leurs technologies différentes. On retrouve notamment Tesla Motors qui commercialise la Tesla Roadster. C’est une petite voiture de sport fonctionnant uniquement grâce à une batterie de lithium. Elle se distingue grâce à son autonomie (340 km) et sa vitesse de pointe de 212km/h. Elle se recharge uniquement en externe par câble. Toyota commercialise la Prius qui est une voiture hybride, c’est à dire qui fonctionne par batterie à basse allure et pour petits trajets et par moteur thermique à allure rapide et pour les longs trajets.

Le véhicule à hydrogène, la solution d’après-demain

Si les véhicules électriques sont la solution de demain, les modèles dits à piles à combustible (ou hydrogène) sont peut-être celle d’après-demain. Il s’agit là aussi de véhicules électriques. Mais l’électricité est produite par le véhicule au lieu d’être stockée dans une batterie. En fonctionnement, une voiture à hydrogène n’émet donc aucun CO2.

Concrètement la technologie de pile à combustible produit de l’électricité grâce à de l’hydrogène stocké sous forme liquide qu’elle transmet à une batterie qui va alimenter le moteur électrique. L’avantage, c’est que le véhicule est propre et que le plein se fait rapidement comme pour une voiture à essence. L’inconvénient est que l’hydrogène n’est pas présent dans la nature et qu’il faut donc le produire en cassant des molécules d’eau. Ce qui est complexe à faire à l’échelle industrielle.

Cela explique qu’aujourd’hui, ce marché sur lequel seuls constructeurs japonais et coréens se sont lancés, est encore minuscule. La France compte à peine quelques stations-services à hydrogène et le marché français ne se compose que d’une centaine de véhicule contre 160.000 pour les modèles à batterie.

Le véhicule hybride, la solution non-bonifiée

On sort cette fois de la catégorie des véhicules qui n’émettent aucun gaz à effet de serre. Et pour cause, les véhicules hybrides mêlent moteurs thermiques et batteries électriques. Cependant, ils émettent beaucoup moins de CO2 que les véhicules thermiques. Une Clio essence va émettre 115 grammes de gaz au kilomètre contre 70 pour une Toyota Prius. Mais évidemment, si les hybrides font la transition entre les anciens véhicules et les nouveaux, ils ne sont qu’une solution intermédiaire.

Il existe d’ailleurs deux technologies d’hybride : les véhicules rechargeables et les non rechargeables. Les premiers ont des batteries assez puissantes qui permettent de rouler une cinquantaine de kilomètres à l’électrique, soit de quoi faire des trajets quotidiens sans émission. Et si ces modèles ont mis du temps à décoller, leurs ventes ont fait un bond de 24% en 2018 dans l’Hexagone (13.400 immatriculations) avec le succès des modèles SUV comme Mitsubishi Outlander, Volkswagen Passat et autres Volvo XC60.

Les hybrides non rechargeables restent la catégorie historique (la Toyota Prius a 20 ans) et celle qui se vend le mieux. Il s’agit de véhicules qui alternent entre le moteur thermique et la batterie électrique. Leur autonomie en électrique pur n’est que de quelques kilomètres. Le calculateur alterne entre les modes selon le besoin de puissance.

Tableau nous présentant les différentes technologie de batterie électrique - article JEPS sur le pétrole
Tableau de présentation des plug-in électriques présents sur les voitures thermiques

4. Les différentes alternatives de propulsion dans l’automobile

Le véhicule au gaz, une alternative crédible

Moins en vue que les autres technologies, le gaz a pourtant repris des couleurs en 2018 avec la hausse du prix du carburant à la pompe. Les ventes de véhicules qui fonctionnent au gaz comme le GPL ou le GNV ont bondi de 150% en 2018 selon le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA).

Le GPL pour gaz de pétrole liquéfié est aujourd’hui le carburant le plus économique. Le litre de GPL oscille depuis le début de l’année entre 80 et 90 centimes contre 1,45 euros pour le sans plomb 95 et 1,44 euros pour le gazole. L’économie réalisée peut atteindre 30 euros sur le plein. Certes une voiture au gaz qui roule au GPL consomme plus qu’une essence équivalente (aux alentours de 20%) mais malgré ce paramètre, le GPL reste plus économique.

Et les types de carburants au gaz sont nombreux. Outre le GPL qui est du butane et du propane issu des champs pétrolifères, il existe le GNV (gaz naturel pour véhicule) qui est du méthane lui aussi d’origine fossile ou produit par méthanisation et qui offre l’avantage d’avoir plus de réserves naturelles que le GPL issu du pétrole.

Evidemment ils ne s’agit pas de technologies « zéro émission », car il s’agit de véhicules hybrides essence/GPL ou essence GNV. Leur moteur est alimenté par deux sources d’énergie réparties dans deux réservoirs. Le moteur passe de l’un à l’autre des carburants. Il démarre à l’essence avant de passer sur le GPL ou le GNV. Il est d’ailleurs tout à fait possible de transformer un véhicule essence en GPL pour réduire sa facture de carburant.

Pour aller plus loin dans l’analyse des alternatives du pétrole dans l’automobile, c’est ici.

Auteur : Nicolas Bachelet, chargé d’affaires chez Junior ESTACA Paris-Saclay.

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